Lunique Trait de Pinceau est lorigine de toutes choses,
la racine de tous les phénomènes.
moine Shitao (1641-c.1720).
Ce processus
créatif, traditionnellement, se conçoit comme allant
du coeur à la main et au pinceau. Qu'est-ce que le coeur
pour les Chinois ? François Cheng le qualifie de «coeur-esprit»,
autrement dit de siège de la conscience. La main, c'est ce
qui tient le pinceau, qui écrit une poésie, calligraphie
ou ce qui peint. « Pinceau » signifie aussi
bien « l'instrument » que « réaliser
un trait » et « utiliser le pinceau ».
Le coeur désigne le lieu d'où part l'intention qui
préside à l'exécution. Il ne s'agit pas d'une
opposition entre mental et physique, mais de deux éléments
fondamentaux de la création artistique qui recouvrent la
totalité du processus créatif. Le coeur est en effet
le point de contact entre l'homme et le monde. Lorsqu'il est disponible,
c'est-à-dire libre de toute pensée et de toute contrainte,
mais disposé à écouter le monde, il est ému,
suscité, selon les termes de la tradition chinoise, par les
mutations incessantes de l'univers.
En réponse, une « intention » naît
du coeur-esprit, qui préside à l'exécution.
Le principe de ce processus est formulé dans l'expression
« l'intention précède l'exécution ».
Le processus allant du coeur à la main est conduit par le
souffle et précède l'intention de peindre, de calligraphier,
de réaliser une poésie ou une musique, jusqu'à
la trace. Et même jusqu'à l'effet visuel provoqué
sur le spectateur. Ce « souffle-énergie »
ou « élan vital » relie en effet le
coeur et la main, et il nécessite le tracé du pinceau
pour s'incarner. Si le coeur et la main sont à l'unisson,
le souffle peut alors passer sans hésitation dans le tracé
et se manifester en des formes animées d'un effet visuel.
Ces formes, à leur tour, agissent sur la conscience et l'incitent
au cours de l'exécution.
Yolaine Escande - résonnance
intérieure
Je
crois que les étudiants qui se mettent à la calligraphie
l'éprouvent également au bout de quelques mois de
pratique. D'abord on ressent un tracé réussi; dans
un premier temps, on n'y prête pas attention, mais ensuite,
on s'aperçoit que cette pratique fait du bien, rend heureux.
Elle procure une certaine plénitude, qui ne se réduit
pas au contentement d'avoir fait quelque chose de beau; ce n'est
pas de l'autosatisfaction , mais de la joie d'avoir participé
à ce mouvement de l'univers et d'y avoir trouvé sa
place sans même en avoir pris conscience.
[
]
On le ressent oui, de
manière approfondie, puisque de mauvaise humeur qu'on était,
on retrouve sa bonne humeur; la fatigue s'en va, la forme revient...
Yolaine Escande - résonnance
intérieure
La calligraphie
s'inspire des souffles de la nature. Si un élève ne
connaît pas l'équilibre entre le Vide et le Plein
qui prédomine dans la nature, il pourra bien sûr apprendre
l'art calligraphique mais il ne deviendra jamais un brillant calligraphe.
Nos promenades dans les champs et les montagnes servent à
donner à votre fils une base solide de la philosophie traditionnelle
qui lui permettra de construire d'immenses uvres artistiques.
Dame Wei
L'ombre du
bambou balaie les marches,
Mais nulle poussière n'est soulevée.
Le clair de lune pénètre profondément la mare,
Mais l'eau n'en garde nulle trace.
Très ancien poème chinois anonyme
La main réalise ce que lui dicte le coeur.
Zhang Zi (Vème siècle
av. J.C.
L'unique préoccupation
du calligraphe chinois et de donner vie aux caractères et
de la animer sans les forcer en rien.
JF. Billeter « L'art
chinois de l'écriture »
L'essence
de la beauté en calligraphie ne se trouve pas dans la lettre
écrite, mai dans la réponse à des transformations
illimitées de l'énergie : ligne après ligne
doit se révéler une voie pour donner la vie; caractère
après caractère doit naître une recherche du
mouvement de la vie.
Auteur chinois inconnu
Le caractère
éternité est un exemple remarquable d'équilibre
dans tous les éléments de sa composition, dans leurs
directions, dans leurs expansions, leurs contradictions. Il nécessite
de multiples changements de force et de vitesse. Sa belle simplicité
est le résultat de nombreux et délicat ajustements.
Li Yangbing, VIIIè siècle
Une journée sans un mot -
j'ai montré
l'ombre d'un papillon
Ozaki Hosai
Peut-être
sommes-nous ici pour dire : maison,
pont, fontaine, portail, cruche, verger, fenêtre -
au mieux : colonne, tour
mais dire, comprends-moi,
comme les choe même jamais n'ont cru être
intimement...
Rilke
Extérieurement, j'ai pris
pour maître le processus de la nature et intérieurement,
j'ai suivi les sources de mon cur.
Zhang Zao
Le souffle, c'est lorsque le pinceau
suit le coeur et que le mouvement n'a pas d'hésitation lors
du choix des formes.
Jing Hao
Calligraphie et peinture ne sont
pas des arts mineurs. Les gen du monde ne se préoccupent
que de ressemblance formelle. A l'attaque du pinceau, le chaos s'ouvre.
En pénétrant dans la maladresse, l'habileté
meurt.
Shitao
L'attaque du tracé c'est le
jaillissement d'une source; son interruption, la stabilité
des montagnes, à la nouvelle lune apparaissant à m'horizon
ou l'agencement des étoiles dans la voie lactée....
Sun guoting
A l'intérieur de la grotte
de maître Zhang, personne,
A l'intérieur de la grotte de maître Zhang émerge
le vent printanier.
Le vent printanier ne sait pas d'où ni quand il vient,
il ne sait pas qu'il est né pour souffler sur les milliers
et des milliers de personnes.
Shitao
La calligraphie est semblable à
l'existence merveilleuse de la nature; ce n'est pas en s'efforçant
que l'on peut y arriver.
Sun guoting
Mieux vaut la maladresse que la perfection
technique, la vigueur que la mollese, l'allegresse que l'hésitation.
Jiang Kui
Les quatre beautés essentielles
en peinture sont le repos oisif qui libère force et efficacité,
le silence plein de sagesse et de perspicacité, l'effacement
qui permet de discerner l'intention et sa portée, la distance
qui étend les aspirations.
Yu jianhua
Le bambou doit d'abord croître
dans le coeur du peintre avant de sortir et de s'exprimer sur le
papier.
Su Dongpo
Les artistes chinois ont perçu
que les hommes peuvent dépasser les limites temporelles à
condition de se relier à l'énergie cosmique circulant
entre ciel et terre. Ils installent ainsi dans leurs jardins ou
dans leurs peintures des « capteurs d'énergie »tels
que les rochers et les arbres; plus ils sont tordus, plus ils sont
noueux, mieux ils captent cette énergie et plus ils durent
longtemps car la torsion allonge le parcours de la sève,
et l'arbre accumule alors de la force vitale.
Yolaine Escambe
L'art lettré interprète
et met ainsi en oeuvre sur quatre niveau le passage du « il
n'y a pas » -wu au « il y a » -
you : cosmogonique, il concerne la transition du chaos aux dix mille
existants; spirituel, du vide du coeur à toutes les formes
possibles; sur le plan technique, de l'encre au tracé; philosophique,
de l'indifférencié au différencié. Le
wu n'est donc ni un néant ni un rien absolu. Cette origine
des choses est bien « quelque chose », même
s'il s'agit d'un « non-avoir », puisqu'elle
désigne toutes les formes possibles.
Yolaine Escambe
Mais la plus belle calligraphie que
j'aie jamais contemplée est une lettre de trente caractères
écrite par Wang Hi-tche à un vieil ami au cours d'un
rude hiver du IVè siècle lui demandant comment il
se portait par ces journées froides.
cet autographe intitul « ciel clair jute avant la neige »
allait passer de main en main pendant mille ans
chacun des possesseurs
rebaptisant son cabinet en son honneur
si bien que pendant mille ans
il y eut toujours quelque part en Chine
un cabinet dénommé « Juste avant la neige ».
Kenneth white
Dans la chambre des dix mille collines
lisant : « ceux qui savent la vérité n'égalent
pas du tout ceux qui l'aiment et ceux qui l'aiment n'égalent
pas ceux qui la vivent joyeusement ».
Kenneth white
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